26/01/2025
Evaluation des intérêts compensatoires dans le calcul d'un préjudice
Préambule
Un préjudice qui court sur plusieurs années oblige la victime à financer celui-ci.
Il en résulte :
- Un gain manqué sur les intérêts qui auraient été perçus si la trésorerie de l’entreprise est positive
- Un coût supplémentaire sur les charges d’intérêt si la trésorerie de l’entreprise est négative
Avec André Belmas, expert financier, nous avons réfléchi à la méthode d’évaluation de cette charge financière à partir de l’article de l’expert judiciaire Patrick Le Teuff qu’il publie dans un recueil consacré à l’évaluation des préjudice économiques et qui rappelle que cet aspect est souvent négligé.
Il est vrai que, dans bien des cas, la durée du financement est courte ; l’influence de cette charge financière est, en pareille hypothèse, faible. Il n’en est pas de même, lorsque le préjudice porte sur plusieurs années.
Intérêts compensatoires
Les intérêts compensatoires visent donc à évaluer la charge financière de la victime qui supporte le préjudice qu’elle doit financer avant toute décision de justice.
Ils répondent au principe indemnitaire qui consiste à remplacer la victime dans l’état où elle aurait été en l’absence de sinistre.
Les intérêts compensatoires sont à intégrer dans le préjudice économique évalué par l’expert financier.
Si les textes législatifs indiquent clairement que les intérêts moratoires se calculent au taux légal, il n’existe pas de règle officielle de calcul des intérêts compensatoires, comme le précise Monsieur Le Teuff.
Alors quel taux appliquer ?
Taux d’intérêt applicable
Ce taux d’intérêt va dépendre de la situation de trésorerie de la victime.
Hypothèse d’une trésorerie négative
Il y a lieu de déterminer la charge d’intérêt pour le financement du préjudice par la victime qui doit emprunter sur le marché pour financer sa trésorerie.
Si la trésorerie est négative sur la totalité de l’exercice, un taux d’intérêt moyen pourra être calculé à partir des charges financières de l’exercice et du montant de l’endettement net restant dû en début et en fin d’exercice.
Dans le cas d’une entreprise dont le découvert bancaire est fluctuant, le calcul précédent ne peut être utilisé. Il conviendra, pour calculer le taux d’intérêt, de diviser le montant des intérêts financiers comptabilisés par le montant du découvert négatif moyen sur l’exercice.
Hypothèse d’une trésorerie positive
En l’absence de sinistre, la victime a perdu une chance de placer les sommes qu’elle aurait dû percevoir.
Il reste à déterminer le taux à prendre en compte.
Si la victime comptabilise des produits financiers sur des produits de placement de sa trésorerie, le taux peut être calculé à partir de ces taux des placements.
Dans la négative, il pourra être retenu le taux légal préconisé pour le calcul des intérêts moratoires dans les décisions de justice, ou un taux de placement sans risque comme celui des Obligations Assimilables du Trésor ( OAT) sur 10 ans.
Principe de l’anatocisme
L’anatocisme est le fait que la charge financière pour financer le préjudice est elle-même productrice d'intérêts.
L’article 1343-2 du Code Civil, prévoit que ces intérêts soient pris en compte si le contrat le prévoit ou si cela est précisé dans la décision de justice.
Madame Carval, Professeur de droit et auteur d’un ouvrage sur les intérêts compensatoires, estime, au titre du principe indemnitaire, que ces intérêts ne sont pas soumis aux conditions restrictives de l’article 1342-2.
Points de vigilance
Lorsqu’un préjudice économique s’étale sur plusieurs années, la victime est en droit de réclamer les intérêts compensatoires sur le préjudice qu’elle a dû financer.
Les taux d’intérêt qui seront retenus pour l’évaluation de ces intérêts, dépendent de la situation de trésorerie de la victime.
Les intérêts non perçus sur cette charge financière peuvent être également réclamés.