22/09/2024
Préambule
Avec André Belmas, expert financier, nous nous sommes interrogés sur la fiche n°5 « Comment réparer le préjudice moral d’une société » rédigée par la Cour d’Appel de Paris.
Cette fiche précise qu’une société est en droit, selon les articles du Code Civil, de présenter une réclamation sur le fondement du préjudice moral.
Elle ajoute que, si le juge est souverain en matière de préjudice moral, il doit cependant s’appuyer sur des données économiques pour l’apprécier.
Il y a donc lieu d’apporter un éclairage économique sur la valorisation du préjudice moral de la société.
Pour cela il faut :
Caractériser le préjudice moral
La fiche n°5 précise qu’un préjudice moral d’une société peut revêtir principalement deux aspects :
L’un externe affectant la perte d’image et de réputation de la société;
L’autre interne affectant la perte de confiance de son personnel en l’entreprise
Une concurrence déloyale ou une contrefaçon peuvent entraîner une perte d’image et/ou une perte de confiance.
Un sinistre peut aussi être à l’origine de cette perte de réputation ou perte de confiance.
Par exemple, un arrêt d’activité prolongé ou une marche dégradée qui obère le niveau de qualité des produits peuvent entraîner une perte de confiance.
Il y a lieu de décrire les évènements qui ont conduit à la naissance d’un préjudice moral et de caractériser celui-ci.
Il conviendra de justifier l’existence d’un préjudice moral avec des éléments factuels tels que :
- Pour la perte d’image : commentaires et notations sur les réseaux sociaux, sondage clientèle et prospects effectués par un organisme indépendant, classement de la marque dans les organismes et publications professionnelles et organisations de consommateurs…
- Pour la perte de confiance du personnel : augmentation du turn-over du personnel, du nombre d’arrêts de travail, du nombre de jours de grèves…
Décrire l’impact économique sur la marche de la société
La perte de réputation peut en premier lieu entrainer une perte de clientèle.
Une perte de réputation peut aussi fragiliser la société, rendre critique sa rentabilité et aller jusqu’à la mise en redressement judiciaire voire un dépôt de bilan.
Il y a lieu de vérifier le lien de causalité entre l’impact économique ainsi décrit et la perte de réputation alléguée. Il sera notamment vérifié s’il n’y avait pas de signes avant-coureurs d’une perte de clientèle avant.
La perte de confiance peut entraîner un taux accru des démissions, et une difficulté à recruter.
Évaluer l’impact économique
Pour une perte d’image, il y aura lieu d’évaluer par exemple la perte de chiffre d’affaires, la perte de marge ou la perte de la valeur de l’actif net du fonds de commerce.
Pour la perte de confiance, il y aura lieu d’évaluer par exemple les frais supplémentaires de recrutement, la perte de productivité.
La difficulté sera de mesurer précisément l’impact du seul préjudice moral qui n’aurait pas déjà été pris en compte dans l’analyse du préjudice économique lié aux évènements (concurrence déloyale, sinistre...) ayant conduit à une perte d’image ou de confiance.
Point de vigilance
L’analyse du préjudice moral sous l’angle de la fiche n°5 s’apparente à l’analyse d’un préjudice économique en lien avec une perte d’image et/ou de confiance.
Il y a lieu d’apporter la preuve de cette perte d’image et/ou de confiance, et d’en décrire l’impact économique.
Le préjudice qui en résulte aura pu être déjà pris en compte dans l’analyse du préjudice lié aux évènements ayant entraîné une perte d’image ou de confiance.