04/03/2021
Pour évaluer une perte d’exploitation, il faut comparer sur la période de perturbation :
- la situation réelle de l’entreprise sinistrée
- Avec une situation dite « de référence »
La définition de la situation de référence de l’entreprise sinistrée est donc un élément clé de l’évaluation.
Avant toute chose, il faut bien comprendre le cycle d’exploitation de l’entreprise sinistrée, le marché sur lequel elle opère et sa situation concurrentielle.
L’analyse de l’historique du chiffre d’affaires mensuels permet de voir l’évolution de l’activité.
Si l’environnement de l’entreprise n’a pas connu de faits marquants, on peut alors se contenter d’une analyse classique de l’évolution
- Du chiffre d’affaires 12 mois pour une première approche de la tendance hors effet de saisonnalité
- Des chiffres d’affaires 6 et 3 mois, pour voir s’il n’y a pas eu une inversion de la tendance dans les 6 ou 3 mois qui précèdent le sinistre.
Cette situation n’est cependant pas la plus courante :
• On ne dispose pas toujours d’historique du chiffre d’affaires mensuels
• Des faits marquants sont venus perturber l’historique de l’activité (crise des gilets jaunes, sinistres antérieurs, Covid 19, etc..)
• Disparition ou arrivée d’un concurrent
• L’activité est liée aux conditions climatiques (énergies renouvelables, activités touristiques, etc.)
• L’activité est liée au vivant (production et transformation du lait, pêche, production de légumes, etc.)
• Le prix unitaire de vente fluctue
• Etc..
Nous allons voir quelques exemples qui illustre la nécessité d’une approche spécifique lorsque l’analyse de l’historique des chiffres d’affaires mensuels n’est pas pertinente.
Exemple 1 : Bateau de pêche
Exemple 2 : Parc d’attraction
Exemple 3 : Fruitière
Exemple 4 : Agrandissement d’un supermarché
Exemple 1 : bateau de pêche
Un bateau de pêche subi une avarie et doit rester au port pendant plusieurs mois pour réparation.
Nous devons déterminer quelle aurait été la quantité de poissons pêchés et le cours de ce poisson pendant la période d’inactivité.
La quantité pêchée dépend des zones de pêche, de la technique et aussi de la compétence du patron de pêche.
Mais la quantité pêchée dépend aussi en partie des conditions météorologiques (coefficient des marées, orientation et force du vent, luminosité,).
On ne peut donc se baser uniquement sur l’historique des quantités pêchées par le chalutier sinistré.
Pour contourner cette difficulté, nous pouvons prendre, si nous les avons, les productions d’un chalutier de même tonnage pendant une période de référence et calculer le pourcentage des quantités pêchées du chalutier sinistré par rapport au chalutier de même tonnage.
Ce pourcentage caractérise la compétence du patron de pêche du chalutier sinistrée.
Puis nous pouvons appliquer ce pourcentage à la quantité pêchée par le chalutier de même tonnage pendant la période sinistrée pour calculer la quantité qui aurait été pêchée par le chalutier sinistré.
Il peut ainsi être pris en compte les conditions météorologiques de la période sinistrée.
Exemple 2 : Parc d’attraction
Une attraction d’un parc est momentanément, mais durablement, indisponible du fait d’un sinistre.
Il est observé une baisse de la fréquentation du parc pendant la période de perturbation. Il faut déterminer quelle aurait été la fréquentation du parc en l’absence de sinistre.
Les conditions météorologiques influent sur le nombre d’entrées.
Pour vérifier s’il y a une réelle corrélation entre les données météorologiques et le nombre d’entrées visiteurs, nous pouvons calculer le coefficient de corrélation entre les données des précipitations annuelles enregistrées par Météo France sur la localité du parc et le nombre d’entrées annuelles.
Si ce coefficient de corrélation est proche de 1 ou -1, il y a une forte corrélation entre les précipitations annuelles et le nombre d’entrées visiteurs.
On peut alors calculer, par la méthode de la régression linéaire, le nombre d’entrées visiteurs pendant la période de perturbation en fonction des précipitations observées pendant cette période.
On raisonnera sur le nombre de visiteurs « désaisonnalisés » pour tenir compte de la saisonnalité.
L’analyse classique de l’historique du chiffre d’affaires n’est pas réellement pertinente pour définir la situation de référence pour les activités fortement corrélées aux données météorologiques.
Exemple 3 : Fruitière
Plusieurs étagères d’une cave d’affinage d’une fruitière à comté se sont effondrées, entraînant une diminution de la capacité d’affinage.
De ce fait, la fruitière a fabriqué une quantité plus importante de comté moins affiné (3 et 6 mois) et une quantité plus faible de comté plus affiné (12, 18 et 24 mois).
Les prix du fromage fluctuent d’une année sur l’autre.
On ne peut se baser sur l’historique du chiffre d’affaires qui ne prends pas en compte les variations de prix et de quantités produites.
Pour évaluer le chiffre d’affaires qui aurait été réalisé en l’absence de sinistre, il faut déterminer
- La production de fromage en quantité (tonnes)
- L’affinage (pourcentage de chacune des familles de comtés 3, 6, 12, 18 mois, etc.)
- Le prix de vente
Le volume total de fromage en tonne est celui de l’ensemble des comtés produits tout confondus si on ne tient pas compte de la perte de poids lié à l’affinage. Nous considérerons cette perte de poids négligeable.
Il est impossible de définir précisément quel aurait été l’affinage réalisé en l’absence de sinistre. Celui-ci peut varier en fonction de la politique commerciale de la fruitière, de la capacité d’affinage de la cave.
Sans autres éléments probants, il peut être fait l’hypothèse que la politique d’affinage est identique à celle de l’année précédente. Il sera alors retenu pour chaque durée d’affinage, le pourcentage affiné l’année précédente.
Et, il sera pris le prix réel de vente de chaque catégorie de l’année sinistrée.
Exemple 4 : Agrandissement d’une surface de vente
Un supermarché a réalisé d’importants travaux d’agrandissement. Suite à une sinistre « inondation », la veille de l’ouverture de cet agrandissement, le magasin est fermé pendant quelques semaines et reste perturbé une année.
Il faut déterminer quel aurait été le chiffre d’affaires à l’ouverture de l’agrandissement du magasin sans avoir d’historique.
Il peut être fait l’hypothèse que l’accroissement du chiffre d’affaires qu’aurait connu le magasin au moment du sinistre est celui que le magasin a connu un an après lorsque celui-ci aura retrouvé les conditions normales d’exploitation, soit en l’occurrence +20%.
Et, il peut être apprécié graphiquement et contradictoirement la date à laquelle cette tendance s’incurve pour retrouver le niveau du chiffre d’affaire réalisé en n+2.
Comme dans l’exemple 2, on raisonnera sur le chiffre d’affaires désaisonnalisé pour tenir compte de la saisonnalité.
Synthèse
La définition de la situation de référence est une étape clé du processus d’évaluation de la perte d’exploitation.
L’analyse classique de l’évolution des chiffres d’affaires mensuels n’est pas toujours possible ou pertinente pour les diverses raisons évoquées ci-dessus.
Des alternatives existent pour définir la situation de référence qu’aurait connu l’entreprise.
L’approche par la méthode de la régression linéaire, tout comme la mesure de la corrélation entre l’activité et des facteurs extérieurs sont des alternatives possibles.
Bien comprendre le fonctionnement de l’entreprise sinistrée permet, avec un débat contradictoire et des outils adaptés, de convenir de la méthode qui permet d’évaluer au plus juste la situation qu’aurait connu l’entreprise en l’absence de sinistre.